LA PENSÉE ACCÉLÉRÉE, OU DE L’INVENTION [2]

 

 

 

 

 

Mais poursuivons la méditation unement internelle, laquelle se lance ou s’élance et se relance continûment, dans l’Oïkos, ou modulation en-ergique, c’est-à-dire sans mode qui soit destiné à assumer une énergétique. Car la modulation en-ergétique, qui bâtit en se logeant dans l’Oïkos, structure dans le réel (ou en Oïkos écuménal) un im-mense géométral hors la géométrie.

 

Pour parvenir à éclairer la question, notons que le géométral en-ergétique se prend à concerner l’homme, mais aucunement depuis l’homme, car au départ est le géométral en qui résonnent les humains trop humains de Nietzsche. Mais comment opérer afin d’accélérer plus richement et, ici, dans notre texte s’écrivant pour former l’outr’homme ? Ou, pour dire autrement, il convient d’accélérer encore le procès d’homme. Accélérer, en europe, c’est passionner le problème, et non le théoriser par modélisation emblématique. C’est grandir l’humain trop humain en l’amenant dans la sphère de l’affectif fondamental. Autrement encore et à nouveau : la modulation, ou le devenir réel dans le réel, présuppose une pédagogie dans l’à chaud, dans l’affect. La pédagogie doit moduler à chaud le passage de l’Homo Sapiens à l’eurosapiens. Ceci est une modification de la stature europanalytique – et non un biologisme génétique. Que ceci soit clair et définitivement. En somme, et sans consonances cataclysmiques, on dira que Homo est une nature dont la nature est de généanalyser à chaud quand les Sciences de l’éducation – qui rationalisent à froid – s’avèrent hors circuit-Europe pour passer à europe. Les Sciences de l’éducation vivent à froid, ou comme des emblèmes figés qui préparent le passage à l’eurosapiens.

 

La radicalité s’impose : contre la donnée froide – ratiocinante – des Sciences de l’éducation qui ont culturellement le vent en poupe, doit valoir indiscutablement la donne-passion (cf. l’Affect. L’affectivité est rétroagée par l’affectivité). Car elle renvoie intrinsèquement au Même dans les choses elles-mêmes. Que ces dernières adoptent le travail à l’environnement comme Lebenswelt (Monde de la vie), il n’empêche tout de même que la donne superficiellement phénoménale doit relever de l’endoménal. Nous allons au plus large, quand la pédagogie immunisant devient intrinsèquement communication. En ce sens, toutes les Sciences, fussent-elles scientifiques, sont retournables : la communication – culturelle – bien hors schize, (page 11) l’immunité affective en imposant insidieusement les froideurs des systèmes, tant espérés pourtant par les technosciences.

 

Pour avancer dans la méditation – accélération – celle qui court ici dans notre travail, voyons qu’elle nous convie, hors les cataclysmes, à instaurer apocalyptiquement une Païdeia culturalisante. Notre brève étude de l’accélération de la pensée touche à l’ordre de l’affect par transsubstantiation de la pensée dite naturelle (cf. Husserl). Vaut ainsi l’apocalypse qui peut travailler pédagogiquement et à bon escient, loin de la donne violente frémissant comme Monde – et ce alors sans réduction qui ouvre dans le Monde. Ainsi notre œuvre est chargée de contribuer à élever un nouveau monde. Elle y parvient – peu ou prou – en accélérant à une pensée mystique toujours égale, malgré les conditionnements disrupteurs (page 12), idéalisants. La pensée mystique, c’est acquis, travaille depuis l’instance civilisationnelle, ouvre les voies majeures en immanence, puissantialise l’identité large de la Réduction comme Donation. Cette autoroute en « l’interne-internant » ou autoroute en profondeur immense, est en action déculturelle. En effet s’affirme ici une marche intense qui s’accélère mystiquement, et brise le processus de connaissance.

 

Comment alors intensifier la pensée (l’accélérer) ou la déculturer en vue d’établir l’essence de la civilisation europe, qui est radicalement distincte de la culture Europe ? Simplement, on peut avancer que la pensée, ici fondementale, (et non fondamentale) est de plein droit mystique ; elle s’expérience en l’abîme comme pensée impressionnelle – elle qui fait « pression-dans », et dans l’abyssalité assumée. Avec d’autres mots, on voit l’accélération s’accélérant et ainsi de suite. Nous sommes des habitants d’un pays avec une géographie lourde, celle de l’engouffrement poursuivi en la paix. Dans ce contexte précis, un « vrai » maître à penser (re)produit sa science intense à structure mystique. Le pédagogue doit vérifier essentiellement que la pensée mystique ne connaît pas, est insciente en ce qui concerne le Monde-à-connaître. Mais le connaître scient, l’élévation dans l’ordre de la connaissance en tant que telle, est une impasse radicale tant qu’on en reste à celle en Occident-Europe. Ceci est une révélation (apocalypsis) à solidifier comme telle, hors le cataclysme – présentée de cette façon, la pensée mystique produit un monde (hors Monde) dans lequel la connaissance est seconde, à titre de préparation pour une co-naissance ou « naître avec »… Ce qui donne sa pleine activité à la problématique de l’intersubjectivité (1). La situation du « maître à penser » est propice pour introduire et la spatiolyse et la non-permanence. Le maître travaille en interne et depuis l’interne, il produit (donne) sa réduction ; il facilite l’accession à la pensée mystique qui est préséance. Enfin et en le tact, il produit une pensée altérale. Insistons sur « l’auto-survol » de Ruyer qui indique vers une relation immanente, et dans une terminologie certes à largement réadapter. Ruyer annonce vers le schème de la pensée mystique, ne serait-ce qu’en refusant les rationalisations philosophiques habituelles et en ouvrant le Monde sans le parasitisme du sujet-objet et celui du discours-Monde. En vérité, la pensée mystique s’accélère, s’intensifie comme nescience prise dans une portée civilisationnelle nouvelle, dont nous procédons déjà mais sans encore pouvoir l’apprécier.
1 Le xxème siècle en son entier est ici concerné comme une théorie générale de la connaissance enfin dûment transsubstantiée. Tels sont les faits.

 

L’europanalyse bien conduite contribuera à passer sous le grand portique de la Révélation (apocalypsis) décisivement promue en immédiateté fondementale. Dans la manière du fondemental, qui n’est pas seulement fondamental (rappelons-le), s’édifie le monumentum (Merleau-Ponty, in Le Visible et l’invisible) pour la mise à feu d’une néo-civilisation européenne enfin plénipotentiaire (et non abortive), ou surclassant ainsi notre fière spatio-temporalité, incomparable avec l’en-ergique écuménale. Ainsi, nous allons, semble-t-il, d’une culture Europe captatrice et leurrante vers une civilisation europe radicale qui ouvrira à une autre pensée alors plus que mystique, et qui en appellera à une toute autre manière au cœur d’un réel enspatial, à tout jamais spasmolytique. Une nouvelle nature humaine, inouïe, se profilera complémentairement. Et nous en avons le besoin le plus pressant. Telle est la vocation de l’europanalyste.

 

 

 
 

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Illustration : Liv Rainey-Smith Tsathoggua Toad God Necronomicon ©