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Catégorie : EUROPANALYSE : CONTINENT D'INVENTION
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INgens publie ici, pour la première fois, un texte inédit de Serge Valdinoci. L'europanalyse s'étant constituée jusqu'à présent dans des ouvrages de compositions massives, et profondément architecturées, le format ramassé de ces inédits offrira d'autres modalités d'intuition, et des usages conceptuels qui surprendront peut-être les lecteurs. Mais c'est bien la recherche incisive qui se poursuit ici, par séquences ciblées sur des points de sonde.

 

 

 

 

 

 

L’HOMME COÏNCIDANT, UNE APPROCHE DE L’INVENTION

 

 

Après la mort de Dieu, la mort de l’Homme ? L’Homme en tant qu’homme n’est pas le quidam en déréliction. Le quidam, plus radicalement, est un humain fermement enchâssé, détenu, dans l’espace-temps. L’Homme, lui, renvoie directement dans une structure d’identité en qui composent le fait (génétiquement fixé) et le faire en tant qu’il est « à faire » éthiquement, politiquement etc. Bien partagée, la nature de l’Homme est encore de consoner avec l’espace-temps, mais en puisant tout de même à l’imaginaire. Il convient alors d’admettre que les concepts résonnent d’imaginaire – ce qu’avance vigoureusement l’europanalyse, et qui plus est sans prêter le flanc à la confusion, toujours facile.

 

Ainsi, par le fait de son partage dirimant, l’Homme se détient lui-même en lui-même, se ferme sur soi, fût-ce tendanciellement, mais avec force, dès Kant en s’ouvrant, d’ailleurs, selon Dilthey, au Monde de l’Esprit. Dans sa manifestation locale et banale comme quidam, l’Homme en tant qu’Homme, dépathologisé pourtant, se détient en lui-même, et ce problématiquement : l’Homme se raidit par courbure (réflexive) sur soi…, oublie intrinsèquement l’imagination qui le structure-déstructure, ou prend un relief patho-pathique qu’il n’assume que très ponctuellement1. Malgré sa banalité locale, le quidam quasi déshumain, est détenteur de soi dans l’universalité. Alors, et malgré tout, il s’avère pénétré par une instance immanente qui immane mais depuis l’immanant ou dynamique en-ergique, c’est-à-dire impulsion en l’immanence2. Comment donc l’impulsion est-elle rigoureusement invisible comme l’est la structure interne du document, document sur lequel j’écris en ce moment ? L’élaboration avancée d’une problématique de l’invention est-elle alors possible ?

 

1 Le patho-pathique édifie « af-fectivement » en l’Absolu.

2 L’en-ergique appelle un univers qui coïncide avec l’Univers. Cette coïncidence est dans une pointe non spatio-temporelle.

 

 

Afin de bâtir plus directement une science de l’Homme – en-tant-qu’il-est-quidam, et situation située comme situs spatio-temporel –, il faut initialement partir d’une constatation à ce qui précède pour livrer la possibilité pertinente d’une coïncidence fondamentale au-delà de la toujours pseudo-coïncidence dans l’espace et dans le temps. Mais ne nous laissons point abuser par la terminologie qui, pour l’instant, nous a encadré. Espace et Temps sont des identités dispersives qui se meuvent à même elles-mêmes, et font mouvement en le mouvant. Hors le contexte grec (ou : en europe interne), la dimension s’efface, et ce avant tout choix de type doctrinal. Dans l’immersion radicale, s’immerge lumineusement un phaïnein, mais via la masse filtrante de l’eau qui s’accapare tous les effets (cf. l’Atlantide). Depuis notre posture en Atlantide, nous, europanalystes, constatons que l’inévitable phaïnomenon révèle, d’abord, fût-ce apocalyptiquement (apocalypsis), une distorsion dans la masse vive de l’interne sub-humain (ou sur-humain). De la sorte, la notion baroque d’un pli est reléguée, jusqu’à Deleuze y compris. En europe-analyse, il faudrait dire que la notion d’un homme-en-tant-qu’homme, où se décide une coïncidence seulement spatio-temporelle de l’homme et de son quidam, permet de renvoyer à une notation tout à fait intéressante et en qui s’approfondit peu à peu la coïncidence.

 

Pour ce faire, on dira d’abord pourquoi revenir sur la distorsion apocalyptique : en l’Homme-en-tant-qu’Homme est la réduction primordiale comme trajet charnel, et analytique en soi-même. Comment cela ? À simplement parler, la présentation d’un homme « s’enracinant en analyse » suppose une tenue (« noétique » dirait Husserl) au cœur du vécu ainsi assumé. Et la tenue noétique, coïncide, dans un non espace-temps, avec sa teneur (cf. l’idée de noème chez Husserl). Toujours en langage husserlien, seulement importé par commodité, on dira droitement que la tenue humaine (le noétique), analytique absolument (cf. l’idée de réduction), coïncide avec la teneur (le noématique). En effet, les deux se complémentent unement. De la sorte, alors que la tenue est réductrice, la teneur est synthétique (donation), le tout faisant réel immanent, ou écumène.

 

Dans ces conditions, la poïesis (ou la poésie chez le poète) est une structure d’indication via le langage. Cette protostructure précède intractivement l’intraction Europe-Occident entre discours réverbérant l’extérieur et participation poétique culturelle, par exemple. Ce dernier enchaînement traduit, enfin, un domaine d’invention. Les deux incidences coïncident en chaque homme, au moins potentiellement. Car l’inventivité-qui-invente se donne (Donation) analytiquement (Réduction). La richesse europanalytique est à ce prix. On conviendra, en ceci, que l’invention en l’homme, absolue, sans arrière ni avant fixés, accélère, dynamique, ou s’imprime en-ergiquement. Et dans ce travail de/dans l’Homme, la thème de la coïncidence réapparaît au plus fort. Le point importe, exemplairement, que l’Homme s’épaississant fait également distance en son soi. Mais il faut signaler avec force que cet épaississement est en interne, hors la philosophie-Monde – celle des philosophes historiens adaptant l’attitude naturelle, le linéairement réfléchissant. Mais, ainsi incisive, la pensée vive accélère en-ergiquement et ceci en s’envahissant de soi dans le soi et surtout dans le tact hyperculturel. Ceci se pratique généanalytiquement. Alors rappelons que la tenue d’Homme coïncide avec la teneur (de la Terre).

 

Pourtant, cette coïncidence accouchante n’est-elle pas difficultueuse ? La tenue subjective en immédiateté est-elle compatible avec la terre objective qui est mise en discours et donc médiation ?

 

Les termes ci-dessus employés montrent que le discours est saturé, sans aventure théorique renouvelante. Aussi convient-il d’inviscérer tenue et teneur, ces deux instances en situation d’homme. On dira fortement que, sans un discours objet, la science est distale. Le sujet, en effet, est déchargé de toute opacité. En revanche, dans une situation proximale, le discours est chargé d’opacité relative. En ce sens, comment donc accentuer (dynamiser), et ce par coïncidence, en une structure indicative ? L’accentuation ici proposée travaille unement. De la sorte, la coïncidence du distal et du proximal, qui reprend en l’enrichissant, celle de la tenue et de la teneur, relève d’un rang d’immensité. Ce faisant, il devient question de construire – depuis l’élémentaire – une théorie de l’unification, mais en l’interne d’univers, isomorphe de la problématique d’Univers, laquelle interroge unement les quatre interactions dans le réel, du moins celui, écourté des sciences scientifiques, lesquelles s’impliquent en la culture sans lui échapper en définitive.

 

Tout ainsi considéré, on est amené à dire – plus topiquement – que l’Homme (en-tant-qu’Homme) est à la fois symptôme d’univers et pathologie d’Univers, toujours extraversé. Le concept d’homme est ainsi un carrefour, impressionnellement chaviré par l’intraction du distal et du proximal. L’homme n’est pas intrinsèquement concerné par l’immanence, mais tendanciellement seulement… Dans ce dernier ordre d’idées, l’europanalyse dira conséquemment que l’homme quidam l’emporte et mérite de se voir désintégrer, ce qui intervient sous nos yeux mêmes. Alors l’humanisme dans une culture, l’homme des philosophes l’appauvrissant, sont à abandonner, progressivement, dans leur manière actuelle et résiduelle. Les limites de l’humanité de l’Homme sont franchies. Reste à les exorciser, à produire une juste coïncidence en qui se marque, mais se démarque également, et ce en europe, par le relais en-ergétique, des synergies quasi létales à internaliser. Les inventions par l’Homme appellent leur poursuite par une intervention sur l’Homme. Celle-ci est chargée – lourdement chargée – de laisser triompher le miracle, par certains légitimement attendu, d’une nouvelle civilisation ou civilisation europe. L’organisation désorganisée d’une Europe des cultures s’impose foncièrement jusqu’à ce que les consciences admettent son chaos relevant à bon droit d’une en-ergétique et non plus d’une énergie terrassante (militaire, économique, « éducative », diplomatique, etc.)

 

 

Serge Valdinoci

 

 

 

Illustrations : Vania Zouravliov © & Patrick Guenette ©